Bloum, bloum...                            

Chanson triste

Il y avait sur la mer farouche
Un navire et quinze matelots
Et sans aucune provision d'bouche,
Ils étaient perdus sur les flots.
 
Alors ils se mirent en loterie
Et se mangèrent mutuellement.
C'fut Mathurin l'gabier d'vigie
qui resta le dernier vivant.
 
Et quand de ses quatorze camarades,
Il eut achevé le repas,
Il sentit son estomac malade
Car le treizième ne passait pas.
 
Alors il s'fit tatouer sur le ventre
Le nom des quatorze malheureux
Avec une croix portant au centre
Ces mots touchants: priez pour eux.
 
Plus tard quand il revint en France
Aux veuves de ses quatorze amis
Il s'en alla montrant sa panse
Disant: v'la l'tombeau d'vos maris.
 
A ces mots les quatorze commères
D'vant Mathurin tombèrent à genoux
Et versèrent des pleurs amers
Sur le tombeau de leurs époux.
 
Devant cette vénérée bedaine
Elles apportèrent des pots de fleurs,
Du romarin, de la verveine
Et des petits pois de senteur.
 
Une de ces veuves alors fit faire
Un petit entourage en buis.
C'qui embête Mathurin dans c't'affaire
C'est qu'ça lui chatouille le nombril.
 
Une autre veuve nommée Catherine
En souvenir d'son époux regretté
Fit dessiner à l'encr'de chine
Un p'tit mausolé d'l'autre coté.
 
Depuis c'temps Mathurin vit fort sage
Mais c'qui l'embête c'est qu'pour montrer
Le tombeau où repose l'équipage
Il doit toujours s'déculotter.

 

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